Voici le deuxième chapitre de mon mémoire de fin de formation dont le titre est “À la rencontre des enfants intérieur.e.s”:
J’ai fait la rencontre, pour la première fois, ma petite fille intérieure il y a une année. C’était chez Catherine Hudovernik, ma formatrice, pendant une constellation qu’elle me donnait.
Après notre module cinq sur le chamanisme, quelque chose s’était ouvert, « le masque était tombé », on avait constellé mon rapport au « champ unifié » (le champ énergétique qui relie tout et avec lequel nous travaillons pendant les constellations) en tant que thérapeute et mon manque de confiance qui allait avec le syndrome de l’imposteur.rice. Là, j’avais été démasquée, on avait beaucoup ri. J’ai compris que je me voyais thérapeute sans oser me l’avouer encore mais que j’avais comme été déjà reconnue… C’était très fort.
Quelques jours après le module, une peur s’était immiscée en moi, forte et prégnante. Je prends contact avec Catherine pour lui décrire de mon malaise. Elle me parle de polarités, nombreuses chez moi, et de ma vulnérabilité enfin apparue. Catherine me fait une première image à distance, m’en envoie la photo.Elles étaient comme toutes collées à moi ; ma vulnérabilité et ma petite fille intérieur. Les trois, nous faisons face à l’angoisse qui me taraude. Je crois comprendre que la constellation parle d’oser être moi pleinement, en l’occurrence aussi oser être thérapeute. Mais j’ai besoin d’en savoir plus alors je prends rendez-vous pour une séance avec elle.
Maintenant en écrivant ces mots, je réalise à quel point il était évident que ma petite fille intérieure allait surgir dans ma constellation, mais sur le moment, je n’en sais rien.
Nous commençons et je place une des plaquettes (étais-ce la confiance ou une autre ressource, je ne m’en souviens plus précisément) très loin des autres, au-delà de la démarcation entre le salon et la salle à manger. Je dois passer cette frontière pour accéder à la plaquette. Catherine me dit de me mettre dessus et de sentir.
Elle est là.
Ma petite fille intérieure.
Je la reconnais tout de suite. Mais quel choc de ressentir toute sa tristesse. Il n’y a même pas de force, pas de place non plus pour de la colère. Juste… de la tristesse. Une grande, une profonde tristesse qui appelle à être entendue et prise en charge par un.e adulte. Mais il n’y a personne. Elle est toute seule. Elle est si petite, si fine. Elle paraît toute frêle, pâle. Elle regarde par terre. Je la devine dans un coin sombre. Elle veut prendre le moins de place possible. Elle a cinq ans, peut-être six. Elle est tellement soulagée que je la vois enfin, que je tende l’oreille pour les écouter, doucement, elle et sa grande tristesse. Je me sens coupable de la voir comme ça. C’est dur.
Au fil de la constellation elle reprend de la force et devient plus joyeuse. L’espoir du meilleur à venir revient, plutôt vite, en fait et ça me surprend. Elle a confiance. Je vais prendre soin d’elle. Je suis là pour elle. Depuis toujours en vérité, je suis là pour elle. C’est juste que sa tristesse, je la connais du fond de mon âme et que je ne savais pas qu’en faire jusque-là. Aujourd’hui je suis adulte, je suis maman et mon cœur a des tiroirs infinis.
Lorsque nous terminons avec l’image finale, ma petite fille intérieure est à côté de moi. Nous sommes côte à côte, comme main dans main. Nous nous sourions, nous avons plein d’espoir pour la vie et pour l’infini. Nous regardons à travers la baie vitrée le lac et les montagnes dans une lumière sublime. Nous sommes fortes à nous deux.
Je repense maintenant au module cinq sur le chamanisme. C’était en hiver, en février 2021. J’y ai reçu comme message : « Le jeu, le jeu, le jeu ! » Je suis là pour jouer. Lorsque nous faisons la rencontre de notre animal totem, durant le module, au rythme du tambour chamanique, alors que mes camarades voient des aigles, des biches et des tigres, je rencontre… mon otarie ! En débardeur et short de coton blanc léger, je marche pieds-nus dans un globe sous-terrain gigantesque, sous la mer profonde. Le globe est fait de sable. Il y a des trous sur toute la sphère et de l’eau de mer en coule en dizaines de cascades. Je danse dans le sable et dans les trous d’eau salée. Je sens une joie enfantine traverser ma poitrine. Je m’assois en tailleur un instant et je regarde cet espace vraiment étrange, à la fois imposant et calme. Et puis, je sens sur mes jambes quelque chose de froid et d’humide. Quand je baisse les yeux, je découvre avec étonnement… une jeune otarie. Elle a posé sa tête sur mes genoux. C’est comme si on se retrouvait pour jouer ensemble. Je peux observer les détails de sa peau, ses poils minuscules, ses grands yeux foncés, ses longs cils, ses petites oreilles. Son pelage est brillant et humide. Je la trouve magnifique. Elle me fait rire aussi. On court le long du globe en rigolant. On se couche sur le dos, côte à côte et on regarde le haut du globe qui, je m’en aperçois alors, est vitré. À travers lui, on peut tout voir du monde, des lieux et des humains. C’est tellement incroyable ! Je dois lui dire au revoir, l’exercice se termine. Je la serre contre moi et je prends le tunnel pour revenir à notre réalité.
Au module six sur l’enfant intérieur, peu de temps après, je retrouve ma petite fille intérieure en méditation visualisation. Elle est debout devant moi et je remarque en premier ses grands yeux marrons. Elle a les mêmes yeux que mon fils ou plutôt il a les mêmes yeux qu’elle. Des yeux bruns, lumineux, plein de savoir et d’envie, une curiosité sans limite. Sa frange est un peu trop courte, merci la mode des années 80 quand maman coupait ma frange elle-même ! Jamais droite, il fallait en raboter un petit peu par-ci puis par-là et à la fin, elle était à chaque fois trop courte… Tous mes copains et mes copines, qui avaient elles.eux-aussi, une maman à la mode, portaient cette même frange trop courte ! Bon du coup, ben on voyait bien mes yeux, très bien même et mes sourcils foncés aussi. Mon regard perçant scrutait et observait tout autour de moi. Elle est devant moi, immobile. Elle me sourit. Je sais et sens qu’à présent nous sommes alliées, pour toujours. Et cette aventure en duo ne fait que commencer… !
Des semaines plus tard, en été, je rattrape le module trois que je n’avais pas encore suivi et je rencontre les élèves de la promo 2 de Suisse à cette occasion. Là, sans surprise, je continue de représenter les enfants intérieurs des élèves qui eux n’en sont pas encore là. On y travaille le symptôme et la nourriture. Durant ces trois jours, Catherine me propose de consteller ma juste place. Oui, c’est vrai, je ne l’avais pas encore faite alors qu’on dit qu’on commence toujours par-là. Ça signifie sûrement quelque chose. Je ne sais pas à quoi m’attendre, mais je suis évidemment ok d’accueillir des choses auxquelles je ne m’attends pas. Et je fais bien.
Je vois tout mon système représenté par les élèves. C’est une grande émotion pour moi. C’est intense. Il faut vous dire que ma maman a eu de nombreuses fausses couches après ma naissance. En tout, elle a perdu quatre bébés.
Pendant la constellation, je vois la représentante du moi face à mes parents. Accroché très fort à un bras du moi, il y a la dernière fausse couche de ma maman, le petit garçon qu’elle a perdu à six mois de grossesse. Il est là, accroché à mon bras, ne pouvant pas me lâcher. Je le reconnais, je sais qui il est. Je réalise alors que je le sais depuis longtemps. Et là où ça devient vraiment dingue, c’est que les trois autres fausses couches, sont agglutinées à ce petit bébé, accroché à moi. Ils sont tous accrochés à moi. Me vient l’image d’un poteau dans la mer sur lequel seraient accrochées des moules. Elles sont toujours solidement arimées à leur poteau pour ne pas être décrochées par les mouvements de la mer. Je suis le poteau.
Et c’est comme si j’avais cinq cœurs, le miens et ceux de ces quatre bébés qui n’ont pas vécu. On en prend soin, on les emmène dans la lumière. Je ressens leur absence, c’est une sensation de légèreté et de manque à la fois.
Je prends alors ma place, celle de l’aînée de la fratrie, une fratrie de six enfants dont deux ont eu le destin de vivre, mon petit frère et moi. Je regarde mes parents, je regarde mon frère. Je suis à ma juste place. Enfin !
Rencontrer mon otarie et trouver ma juste place dans ces grande fratrie « invisible » que j’ai toujours senti m’a aidé à me connecter plus pleinement à ma petite fille intérieure, à l’écouter, à me mettre à son niveau pour la rassurer. Ma petite fille intérieure est la pièce maîtresse du chemin de cette formation en constellations familiales et je la mets au cœur de celui-ci.